Ménétreux et la révolution




   Les idées de liberté et d’égalité avaient fait leur chemin à Ménétreux comme ailleurs. La nouvelle de la prise de la Bastille se répandit rapidement et fut connue dans la région dès le 16 juillet 1789 grâce à un tailleur de Vitteaux qui, marchant sans arrêt deux jours et deux nuits vint renseigner ses concitoyens.

   Le cahier de doléances est rédigé en mars 1789, bourgeois, paysans et artisans réclament une juste répartition des impôts, la suppression des corvées et des droits féodaux. La terre seigneuriale de Ménétreux était à la veille de la révolution chargée envers l’abbaye de Fontenet de 80 boisseaux de grains par ¼1/4 : froment, avoine, seigle et orge, mesures pesant 20 livres. Le fermier acquittait cette charge sans diminution de prix. Les habitants choisissent leurs délégués qui éliront les députés du baillage d’Auxois. C’est un grand jour de fête avec cloches sonnant à toute volée et bal sur la place publique. La municipalité n’avait d’action que celles qui lui était donnée par les Comités Directeurs de la Révolution. Elle n’en suivait pas le mouvement, restait passive et le maire se contentait d’accuser réception des décrets et injonctions des divers bureaux républicains. A Ménétreux comme dans beaucoup de localités, on ne tarda pas de rester muet d’épouvante devant toutes les violences et les crimes.

   Pour éviter tout problème, Ménétreux se contente de baptiser son église « Temple de la raison » en l’ouvrant tous les décadis pour la promulgation des lois et décrets à laquelle personne n’assiste.

   Toutefois, chaque dimanche, on se réunissait à l’église à 5h du matin selon le désir du curé Boudillet du mois d’août 1793 jusqu’à son départ pour l’exil en Suisse. Cette conduite n’était pas du goût des villages voisins. Montbard, ardent républicain, souleva Seigny qui, une nuit envoya 18 citoyens armés de pique pour faire une perquisition au presbytère. Bussy, Baigneux, Flavigny, Semur, inondaient le village d’émissaires qui terrorisaient la population assez osée pour conserver son culte et ses traditions catholiques et qui de plus, donnait asile aux proscrits du jour. Bien des prêtres s’y rendaient et y célébraient les saints mystères. Mais au plus fort de la terreur on cessa les réunions à l’église, on n’osa empêcher l’enlèvement d’une cloche par les commissaires de Semur chargés de la requérir au nom du district. Le père Pichenot, fabricien, eut la faiblesse de livrer les vases sacrés cachés dans les combles du chœur de l’église. Il s’en excusa plus tard en prétextant de la violence qui lui fut faite. Lors des réquisitions forcées, Jacob, ancien économe de l’hospice et maire d’Alise, faisait bien quelques zèles, mais il avait soin de fermer les yeux afin de n’avoir que des rapports favorables.

   A la chute de Robespierre, le curé Boudillet quitta la Suisse et reparut au village le 15 mars 1795. En un instant, la nouvelle est connue et tous les hommes l’embrassèrent en pleurant. Son église n’était pas dévastée, nul intrus n’y avait été admis. La révolution avait bien tenté de lui donner un successeur constitutionnel. On engagea le curé de Lucenay à s’y présenter, il fut éconduit, Un ex- religieux de Flavigny, s’y fit nommer, mais ses tentatives pour prendre possession de l’église échouèrent devant l’attitude des mères de famille qui se tenaient autour, avec des pierres dans leurs tabliers pour lui en empêcher l’entrée. Cette démonstration le fit réfléchir et il se retira à la prière du plus influent de la commune

   A la réorganisation du culte, il eut l’immense douleur de voir rayer son église du nombre des nouvelles succursales par l’inertie des autorités municipales. Ch. Boudillet, frappé dans ses plus chères affections, fut invité à quitter son ancienne paroisse pour celle de Grésigny. En novembre 1807, il résidait toujours à Ménétreux où le Doyen de Flavigny, Bollard, lui adressa une circulaire imprimée relative à la liste des hameaux ou écarts des paroisses. Sa répugnance et ses temporisations déplurent à ses nouveaux paroissiens qui se plaignirent à l’évêque de n’avoir pas leur curé au milieu d’eux. Ennuyé de ces lenteurs, l’évêque lui assigna le poste de Chanceaux qu’il refusa une fois encore.

   Monseigneur Reymond crut vaincre toute résistance en lui proposant le doyenné de Grancey et en le menaçant d’interdit s’il n’optait entre Grésigny et ce nouveau poste. Il préféra descendre à Grésigny, parce qu’au moins s’il avait un double service très difficile, ses anciens paroissiens et son église lui restaient. Au mois de janvier 1811, il prit froid en rentrant dans l’église de Grésigny et se sentant atteint d’une fluxion de poitrine, se fit ramener à Ménétreux, se mit au lit dans une chambre mise à sa disposition par madame Capitain, fit ses dispositions testamentaires et mourut le 10 février suivant âgé d’environ 70 ans. Le village était dans la consternation, les sanglots, les pleurs, les cris éclatèrent de toutes parts. Les funérailles eurent un caractère si prononcé de douleur et de regrets que les nombreuses députations des villages voisins en furent profondément émues.

   Pour ses dispositions testamentaires voici l’extrait concernant Ménétreux :

-« Je donne et lègue à la commune de Ménétreux, une pièce de pré de la contenance de trois hectares soixante et un ares lieu dit « en pré Gon » … Cinquante et un ares quarante cinq centiares de terres labourables en « la Nourrice », 45 ares de terres labourables « en Brié ». Pour le revenu de ces fonds être employé à payer le traitement d’un desservant résidant habituellement dans la commune de Ménétreux comme chapelain et dans le cas où ladite commune ne puisse parvenir à se faire ériger en chapelle, et n’ait aucun desservant résidant, le revenu des fonds ci-dessus par moi donné, lequel je veux qu’il soit employé au soulagement des pauvres de Ménétreux et distribué aux plus indigents par messieurs les maires et officiers municipaux dudit Ménétreux. Je donne et lègue pareillement à la dite commune de Ménétreux les vases sacrés, un calice, un ciboire et un ostensoir, le tout en argent pour être remis au desservant de Ménétreux s’il y en a un et dans le cas contraire, je veux qu’ils restent en dépôt entre les mains du maire de la dite commune pour être employé à la destination ci-dessus lorsque l’occasion s’en présentera. »

   Le changement de régime de 1830 : l’empire, remit la mairie en d’autres mains.

   René Ranviot accepta le poste de maire qu’il quitta bientôt pour le céder à Blaize Capitain du « pavillon »





Source: Mme Nicole Simon "Morceaux d'histoire de la très ancienne paroisse de Monestériolum"